Loi Climat et résilience et crise du logement : quels impacts sur l’immobilier ?

La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ces effets, dite loi Climat et résilience, concerne un grand nombre de secteurs dont l’agriculture, l’urbanisme, la production, l’énergie et bien sûr l’immobilier. Elle vise à remplir l’engagement de la France à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030.

En matière d’immobilier, elle comprend toutes une série de mesures visant à rénover le parc existant pour en améliorer la performance énergétique, lutter contre les passoires thermiques et introduit dans son article 155, la notion de rénovation énergétique performante : « Rénovation énergétique performante : la rénovation énergétique d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment à usage d’habitation est dite performante lorsque des travaux, qui veillent à assurer des conditions satisfaisantes de renouvellement de l’air, permettent de respecter les conditions suivantes : a) Le classement du bâtiment ou de la partie de bâtiment en classe A ou B au sens de l’article L. 173-1-1 ; b) L’étude des six postes de travaux de rénovation énergétique suivants : l’isolation des murs, l’isolation des planchers bas, l’isolation de la toiture, le remplacement des menuiseries extérieures, la ventilation, la production de chauffage et d’eau chaude sanitaire ainsi que les interfaces associées […] »

Décence énergétique, contraintes liées au DPE, audit énergétique, gel des loyers puis interdictions de louer, les contraintes apportées par la loi Climat et résilience incitent fortement à la rénovation des logements les plus énergivores. Avec comme conséquence une augmentation de la mise en vente sur le marché de ces mêmes logements dont la classification au DPE devient un levier de négociation.

Réussir la transition énergétique des biens immobiliers en pleine crise du logement, c’est aussi intégrer les enjeux économiques et sociaux qui y sont liés. L’enjeu social, celui de pouvoir loger plus de monde en luttant contre la précarité énergétique et l’enjeu économique lié à l’attractivité de l’investissement immobilier pour les propriétaires bailleurs.

Les dispositions de la loi du 22 août 2021 bousculent le marché immobilier

Les passoires thermiques

Au 1er janvier 2021 la France comptait 37,2 millions de logements dont près de 1 sur 6 soit environ 17% pouvait être qualifié de passoire énergétique (étiquettes F et G du DPE), ce qui représente environ 5 millions de logements.

La loi Climat et Résilience met en place une série de mesures visant à faire sortir progressivement du marché immobilier les logements énergivores, classés F et G au diagnostic de performance énergétique. C’est pourquoi depuis le 1er janvier les logements classés G+, consommant plus de 450Kwh/m2/an, sont interdits à la location.

Qu’est-ce que la décence énergétique ?

La performance énergétique devient un critère du logement décent en 2015 (loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015).
La loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019, relative à l’énergie et au climat intègre un seuil maximal de consommation d’énergie finale par m2 et par an auquel doit répondre le logement. Le seuil est fixé à 450 kWh/m2/an par le décret n°2021-19 du 11 janvier 2021.
Un logement est donc qualifié d’énergétiquement décent lorsque sa consommation d’énergie est inférieure à 450 kWh/m2/an. Seuls les logements les plus énergivores de la classe G sont aujourd’hui concernés par cette disposition.
Les sanctions relatives à l’indécence énergétique sont : d’abord le gel des loyers pour les classes F et G (disposition entrée en vigueur le 24 août 2022). Ensuite, l’interdiction progressive de louer.

Hausse des logements énergivores mis en vente

Bientôt, les propriétaires bailleurs ne pourront donc plus louer leur logement énergivore :

Depuis le 1er janvier 2023 : interdiction de location des logements G+ ;
1er janvier 2025 : interdiction de location des logements classés G ;
1er janvier 2028 : interdiction de location des logements classés F ;
1er janvier 2034 : interdiction de location des logements classés E.

Afin de continuer à pouvoir louer leur logement, les propriétaires bailleurs devront les rénover pour améliorer leur classement au diagnostic de performance énergétique et remplir les critères du logement décent.

Le bilan immobilier des Notaires de France 2022 montre une augmentation des ventes des logements classés F ou G qui représentent 17% des ventes. Les dispositions de la Loi Climat et Résilience, gel des loyers et interdictions progressives de la mise en location, ont pu accélérer la prise de décision des propriétaires bailleurs. Le coût de la rénovation peut également compter parmi les facteurs de décision.

L’audit énergétique obligatoire : passer son bien à la loupe

Depuis le 1er avril 2023, la réalisation d’un audit énergétique est obligatoire pour la vente des immeubles ou maisons classés F ou G au diagnostic de performance énergétique. Il permet d’identifier les travaux à effectuer afin d’améliorer la performance énergétique du logement et son classement au DPE. Il est important de préciser que la réalisation des travaux n’est pas obligatoire. Il s’agit avant tout d’informer l’acquéreur.

Le contenu de l’audit :

  • – Parcours de travaux : Des propositions au coût proportionné à la valeur du bien.
    Un parcours par étapes pour atteindre une rénovation énergétique performante ;
  • – Consommation d’énergie : impact théorique des travaux sur la facture d’énergie ;
  • – Coût des travaux ;
  • – Les aides disponibles.

Bon à savoir : L’audit doit être délivré à l’acquéreur potentiel dès la première visite du bien puis être
annexé à la promesse de vente et à l’acte authentique.

Entrée en vigueur :
– 1er avril 2023 : Obligatoire pour les ventes des biens classés F et G ;
– 1er janvier 2025 : Obligatoire pour les ventes des biens classés E ;
– 1er janvier 2034 : Obligatoire pour les ventes des biens classés D.

Faire un audit énergétique sans avoir de projet de vente ?

L’audit énergétique, contrairement au DPE, n’a pas pour objectif de classer le logement mais d’estimer sa consommation d’énergie et de gaz à effet de serre en identifiant ses forces et ses faiblesses. Il indique les travaux à réaliser en priorité et peut donc être un atout intéressant lors d’un projet de rénovation.

Le DPE : La classification des logements devient un argument de vente et un levier de négociation du prix

Entrée en vigueur au 1er juillet 2021 (Loi ELAN), la nouvelle version du DPE est plus lisible et plus complète, visant ainsi à sensibiliser les propriétaires sur la consommation énergétique de leur logement.
Le nouveau diagnostic de performance énergétique prend en compte depuis le 1er juillet 2021 non seulement la consommation d’énergie mais aussi l’émission de gaz à effet de serre. La note la moins bonne des deux est celle retenue pour la classification finale du logement. Par ailleurs les annonces immobilières doivent mentionner le montant estimé des dépenses annuelles d’énergie. Dans le cas des logements classés F ou G, l’annonce doit de plus mentionner clairement que le logement est à consommation énergétique excessive.

La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 est venue apporter davantage de contraintes au DPE.

– Gel des loyers des passoires thermiques ;
– Interdiction progressive de la location des logements énergivores ;
– Audit énergétique obligatoire pour la vente ou la location des logements classés F et G puis progressivement les logements classés E et D ;
– DPE collectif obligatoire pour les copropriétés de plus de 200 lots à partir de janvier 2024 puis progressivement pour les copropriétés entre 50 et 200 lots puis moins de 50 lots.

La nouvelle version du DPE renforcée par la loi du 22 août 2021 permet de donner au futurs locataires ou acquéreurs une information transparente sur la consommation énergétique des logements. Il est intéressant de rappeler à cet effet que selon l’observatoire national de la précarité énergétique :

– 22% des français déclarent avoir eu froid durant l’hiver 2021-2022 au moins 24h ;
– 37% d’entre eux déclarent que la raison est financière ;
– En 2021, 11,9% des français soit 3,4 millions de ménages, sont en situation de précarité énergétique.

L’impact sur le marché immobilier est réel. Le DPE devient un argument de vente, un critère de valorisation et un levier de négociation si des travaux de rénovation énergétique sont à prévoir. Alors que de plus en plus futurs acquéreurs s’intéressent aux biens ayant un bon DPE, les passoires énergétiques subissent quant à elle une décote.

Bon à savoir : Les DPE réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021
sont valables jusqu’au 31 décembre 2024. Les nouveaux DPE sont valables 10 ans.

Renforcement des normes de construction et de rénovation

La loi Climat et résilience prévoit de renforcer la performance énergétique des bâtiments en encourageant la rénovation énergétique mais aussi en développant des normes plus strictes pour les constructions nouvelles.

Le carnet d’information du logement (CIL) est obligatoire depuis le 1er janvier 2023 pour toute construction nouvelle ou travaux de rénovation faisant l’objet d’une demande de permis de construire ou d’une déclaration préalable de travaux, pour les travaux ayant fait l’objet d’un devis accepté, ou encore pour les travaux ayant débuté à partir de cette date.

Le CIL est établi pour faciliter et accompagner les travaux de rénovation énergétique et l’installation d’équipement de contrôle et de gestion active de l’énergie.

Pour les constructions neuves, il comporte :

– Les plans de surface et les coupes du logement ;
– Les plans, schémas et descriptifs des réseaux d’eau, d’électricité, de gaz et d’aération du logement ;
– Les notices de fonctionnement, de maintenance et d’entretien des ouvrages ayant une incidence
directe sur la performance énergétique du logement.

Pour les travaux de rénovation :

– Le carnet comprend un descriptif des travaux et la date à laquelle ils ont été réalisés.

Bon à savoir : le carnet d’information du logement doit être mis à jour par le propriétaire.

Il doit également être transmis à l’acquéreur lors de toute mutation du logement tel qu’il
est au moment de la mutation.

Cette transmission a lieu au plus tard à la date de la signature de l’acte authentique.

L’acquéreur en atteste dans l’acte authentique.

Le projet de loi de finances pour 2024 met l’accent sur la transition énergétique

Le dispositif MaPrimeRénov voit son budget augmenter d’un 1,6 milliard d’euros pour atteindre 5 milliards d’euros en 2024 (3,4Md en 2023). Cette augmentation vise à soutenir les rénovations en faveur de l’amélioration de la performance énergétique des logements avec un objectif de 200000 rénovations pour l’année 2024.

Le prêt à taux zéro (PTZ) : l’article 6 du projet de loi de finances pour 2024 proroge le dispositif pour 4 ans mais en le recentrant (recentrage contesté – 4 amendements visant à supprimer ce recentrage ont été adoptés en commission des finances.)
L’éco PTZ, destiné au financement de certains travaux de rénovation énergétique est également prorogé pour quatre ans.

Sortir de la crise du logement

Les difficultés du marché neuf

Les réservations de logements neufs auprès des promoteurs immobiliers ont chuté de près de 40% en un an.

En cause : la difficulté d’accès au crédit, la fin du dispositif Pinel, le recentrage du PTZ prévu dans le projet de loi de finances pour 2024 mais aussi l’augmentation des coûts de construction.

Un parcours résidentiel bloqué

L’augmentation des taux d’intérêts et les conditions d’octroi de crédit plus dures rendent difficile l’accession à la propriété. Faute de pouvoir accéder au crédit, ceux qui pourraient devenir propriétaires sous d’autres conditions restent locataires. Les nouveaux arrivants sur le marché de la location ont plus de difficultés à trouver un bien à louer, ce qui sature le marché.

La hausse des taux continue grève la capacité d’emprunt
des ménages qui chute de 16% en 2023.

Les propositions votées lors du 119e congrès des Notaires de France

La 119e édition du congrès des Notaires de France s’est placée au cœur de l’actualité. Pour la première fois, le logement a été le thème principal du congrès. Décliné selon trois axes : la production, l’accès et la pérennisation, son objectif a été de faire des propositions structurelles pragmatiques et opérationnelles pour répondre au besoin de logement avec la mise en place d’une structure juridique qui s’inscrit dans une perspective à long terme.

Le thème est complexe et porteur d’un triple enjeu. Social d’abord, car il faut mieux loger ceux qui sont en situation de précarité. Économique ensuite car il faut rendre à l’investissement son attractivité. Et enfin écologique car il est impératif de rénover le parc immobilier existant et de construire des bâtiments qui consomment le moins d’énergie possible.

Parmi les propositions qui ont remporté le plus de suffrages :

– Instituer une autorisation d’urbanisme favorisant la réversibilité du bâti en faveur du logement – adopté à 99% ;

– Créer un statut fiscal du bailleur privé global, cohérent et attractif – adopté à 95%

– Généraliser une offre locative privée solidaire avec le dispositif « Loc’avantages » – adopté à 97% ;

– Maintenir dans le temps les décotes consenties au premier accédant dans les modes d’accession aidés à la propriété – adopté à 96% ;

– Pérenniser le logement de nos aînés : repenser la vente en viager en famille – adopté à 96% ;

– Développer des solutions d’externalisation et de tiers financement pour la rénovation énergétique – adopté à 97%.

Vous avez un projet ? Une question ? N’hésitez pas prendre rendez-vous avec votre notaire, il est là pour vous conseiller 🤓😊

Sources : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/le-parc-de-logements-par-classe-de-performance-energetique-au-1er-janvier-2022-0

Notaires de France : Bilan immobilier 2022

https://www.notaires.fr/fr/bilan_immobilier_de_l_annee_2022

Observatoire national de la précarité énergétique : tableau de bord de la précarité énergétique – 2e semestre 2022

https://onpe.org/sites/default/files/onpe_tableau_de_bord_2022_s2-vf-vf_compressed_1.pdf)

Loi Climat et résilience : Art 167

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFSCTA000043956929)



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