Le notaire face aux problématiques environnementales : enjeux écologiques et sécurité juridique.

Les problématiques environnementales ont pris une place centrale dans la société et sont aujourd’hui au cœur de la pratique notariale. D’abord par la réduction de l’empreinte écologique des études notariales, puis par la mise en valeur de l’impact de la transition énergétique sur la valeur foncière des logements et enfin par l’application de la réglementation environnementale, le notariat agit dans un cadre législatif qui évolue au service de la maîtrise d’un aménagement équilibré qui valorise une urbanisation maîtrisée et un environnement préservé. Le notaire agit au cœur de la sécurité juridique des contrats face aux enjeux écologiques des projets immobiliers et face au risque environnemental.

Le notariat : une profession engagée pour la préservation de l’environnement

Les notaires sont sensibles aux enjeux écologiques et réduisent leur impact environnemental en ayant recours le plus possible à la dématérialisation : objectif zéro papier dans les études, acte authentique électronique, acte authentique électronique à distance et enfin procuration authentique avec comparution à distance.

 

La dématérialisation des actes

En 2008, l’acte authentique électronique remplace l’acte « papier » par un fichier informatique offrant le même niveau de garantie. Pour valider l’acte, le notaire s’identifie grâce à une clé informatique cryptée la « clé Réal » qui lui permet d’apposer son sceau et sa signature électroniquement.

Qu’est-ce que la clé Réal ? C’est une clé informatique cryptée qui contient le sceau et la signature du notaire. Support numérique indispensable du notaire, elle est personnelle et permet d’authentifier les actes de la même manière que sur support papier. Elle doit être conforme au règlement européen portant sur l’identification numérique et les services de confiance (Règlement « eIDAS » n°910/2014 du 23 juillet 2014). En France, c’est l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) qui est chargée de l’application du règlement européen en étant à la fois organisme de contrôle et garant de la sécurité.

En 2018, le notariat franchit une nouvelle étape dans le développement technologique de la profession. L’acte authentique électronique évolue et peut désormais être signé à distance en visio-conférence avec le même niveau de garantie et de sécurité. Une évolution qui fait gagner la profession en flexibilité (les rendez-vous en visioconférence sont plus simples à organiser) et qui lui permet de réduire son impact écologique par la diminution des déplacements.

En 2020, après les mesures exceptionnelles liées à la pandémie, le décret n° 2020-1422 du 20 novembre 2020 instaure la procuration authentique avec comparution à distance : « Le notaire instrumentaire peut établir une procuration sur support électronique, lorsqu’une ou les parties à cet acte ne sont pas présentes devant lui.
L’échange des informations nécessaires à l’établissement de l’acte et le recueil, par le notaire instrumentaire, du consentement de la ou des parties à l’acte qui ne sont pas présentes s’effectuent au moyen d’un système de traitement, de communication et de transmission de l’information garantissant l’identification des parties, l’intégrité et la confidentialité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat.
Le notaire instrumentaire recueille, simultanément avec leur consentement, la signature électronique de cette ou ces parties au moyen d’un procédé de signature électronique qualifiée répondant aux exigences du décret du 28 septembre 2017 déjà mentionné.
L’acte est parfait lorsque le notaire instrumentaire y appose sa signature électronique qualifiée. »

Afin de donner une nouvelle impulsion à la dématérialisation des échanges, le CSN et la DGFIP ont dès 2013 ont signé une déclaration visant à rendre progressivement obligatoire la télétransmissions des actes. Le décret n°2017-770 du 4 mai 2017 rend obligatoire le recours à Télé@ctes pour les dépôts notariés (pour les actes signés au 1er janvier 2018). Télé@ctes est aujourd’hui un outil incontournable de la profession notariale.

 

Les labels : ETIK et NCAE

Le label ETIK a été créé par le Conseil supérieur du notariat pour aider les notaires à identifier les solutions numériques conformes aux attentes de la profession. Ainsi, les entreprises proposant des solutions numériques à destination des notaires doivent répondre à un référentiel de 172 points avant de pouvoir obtenir le label.

  • Le référentiel porte sur :
    – La cybersécurité ;
    – La protection des données ;
    – La sécurité et confidentialité ;
    – Le respect du cadre légal et réglementaire.

 

Le label NCAE : la maîtrise du droit de l’environnement par les notaires
Lancé le 12 janvier 2021par l’Institut notarial de droit immobilier, le label Notaire Conseil en aménagement et environnement a été créé pour les notaires et leurs collaborateurs souhaitant se spécialiser et développer leur activité dans ce secteur. Le droit de l’environnement est une matière assez récente qui avec la volonté des pouvoirs publics est de plus en plus au cœur des contrats. Les notaires doivent à ce titre apporter à leurs clients un conseil sur les problématiques et la réglementation environnementales liées à leurs projets. C’est pourquoi le label NCAE est un label d’avenir.

Pour obtenir le label, le notaire doit réaliser un parcours de formation. Différents modules lui permettent de mettre à jour ses connaissances. Le parcours dure 10 jours et s’achève par le dépôt d’un « projet entreprise » qui matérialise l’engagement du notaire à développer le conseil en aménagement et environnement. Le label s’adresse à tous les notaires, coutumiers des opérations d’aménagement ou non, puisque chacun d’entre eux peut un jour être confronté à une problématique environnementale lors d’une opération immobilière et doit pouvoir y répondre par son conseil et la transcription de celui-ci dans les engagements qui sont pris.

Impacts de la loi Climat sur les projets immobiliers

La loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience a créé de nouvelles obligations à la charge des particuliers mais aussi des professionnels de l’immobilier. Des dispositions qui touchent les notaires dans l’exercice de leur métier.

• L’audit énergétique

Au 1er avril 2023, l’audit énergétique sera obligatoire pour les logements classés F et G. Il devra être remis aux candidats acquéreurs dès la première visite du bien et annexé à la promesse de vente et/ou l’acte authentique de vente.

• Le carnet d’information logement

Le carnet d’information logement est obligatoire pour les constructions et les travaux de rénovation énergétique entrepris à partir du 1er janvier 2023. Il doit être transmis à l’acquéreur en cas de mutation et celui-ci doit attester de sa remise dans l’acte de vente.

• L’état des risques

La loi Climat et Résilience renforce la protection des acquéreurs et des locataires. L’état des risques naturels et technologiques devient l’état des risques (ER) car il intègre désormais les informations relatives aux risques environnementaux : pollution des sols, plans de prévention des risques miniers et érosion côtière.

Dès lors de nouvelles obligations pèsent sur le propriétaire relativement à l’état des risques depuis le 1er janvier 2023 :

– L’obligation d’information sur les risques : dès la publication de l’annonce, il doit être fait mention de l’état des risques auxquels le bien est exposé ainsi que le moyen d’accéder aux informations. L’ER doit par ailleurs être remis au potentiel locataire ou acquéreur lors de la première visite du logement ;

– L’obligation d’information sur les sinistres indemnisés : cette information doit désormais figurer dans l’état des risques ;

– L’obligation d’information sur la pollution des sols : l’acquéreur ou locataire potentiel doit être informé de l’inscription du bien en secteur d’information sur les sols (SIS) puisque cette inscription justifie la mise en place de mesure de gestion de la pollution afin de préserver la sécurité, la santé et l’environnement ;

– Les annonces immobilières des professionnels et des particuliers doivent mentionner le classement du bien au regard de sa performance énergétique et de sa performance en matière d’émissions de gaz à effet de serre (Art.153 et 154 de la Loi Climat).

discuter

Ajouter une clause spécifique dans le contrat de vente ou de location qui stipule que le futur acquéreur ou le futur locataire a bien reçu l’état des risques est recommandé.

Maîtrise de l’étalement urbain et gestion du risque environnemental

L’objectif Zéro Artificialisation Nette des sols à l’échelle nationale en 2050 vise à répondre à deux enjeux : le dérèglement climatique et la préservation de la biodiversité. La première étape pour atteindre cet objectif est la réduction de moitié du rythme de consommation d’espace d’ici à 2031 (Art. 191 Loi Climat).

Dans le respect de cet objectif, l’article L.101-2-1 du code de l’urbanisme vient poser le principe d’un équilibre entre principalement :
– La maîtrise de l’étalement urbain ;
– L’optimisation de la densité des espaces urbanisés ;
– La protection des espaces naturels, agricoles et forestiers ;
– La préservation de la biodiversité et le retour de la nature en ville.

Lutter contre l’étalement urbain amène à réfléchir aux opportunités existantes au sein des espaces urbanisés. C’est ainsi que le législateur, à travers la loi Climat et Résilience a identifié ces opportunités et mis en place des dispositifs juridiques pour favoriser le développement et la mutation des friches industrielles.

Sur le plan technique et scientifique la connaissance préalable des pollutions du site va permettre de les affecter et de mettre en place les mécanismes juridiques pour traiter la responsabilité des pollutions dans le contrat.

discuter

Que veut dire dépolluer au sens juridique ? Dépolluer un terrain est le fait de qualifier l’ampleur du nettoyage et de définir le niveau de risque résiduel à atteindre en fonction d’un usage déterminé. En effet, la compatibilité de l’état environnemental du terrain ne s’apprécie qu’en fonction de l’usage prévu. Celle-ci sera différente si le projet est commercial, industriel ou résidentiel.

  • Sur le plan juridique, le notaire doit veiller à :

 

– L’obligation d’information du vendeur à l’acquéreur d’une pollution impactant le terrain ou l’ayant impacté par une activité passée ;

– L’obligation d’information du vendeur à l’acquéreur de l’inscription du bien en secteur d’information sur les sols.

 

  • Deux mécanismes issus de la loi Climat et Résilience pour les porteurs de projets :

 

– La mise en place du certificat de projet qui vise à fiabiliser les procédures à mettre en place pour la réalisation du projet et les délais – Art L. 212 de la loi Climat : « A titre expérimental et pour une durée de trois ans, le représentant de l’Etat dans le département peut établir un certificat de projet à la demande du porteur d’un projet intégralement situé sur une friche au sens de l’article L. 111-26 du code de l’urbanisme et soumis, pour la réalisation de son projet, à une ou plusieurs autorisations au titre du code de l’urbanisme, du code de l’environnement, du code de la construction et de l’habitation, du code rural et de la pêche maritime, du code forestier, du code du patrimoine, du code de commerce et du code minier.
Le dossier de demande de certificat de projet est présenté au représentant de l’Etat dans le département, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’Etat. »

 

– Le bonus de constructibilité pour compenser les surcoûts éventuels liés à la dépollution du terrain – Art L. 158-28 du code de l’urbanisme : « Dans les zones urbaines ou à urbaniser, un dépassement des règles relatives au gabarit qui peut être modulé mais ne peut excéder 30 %, pour les constructions faisant preuve d’exemplarité énergétique ou environnementale ou qui sont à énergie positive. Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions d’application de la majoration. »

L’obligation réelle environnementale : un outil contractuel encore méconnu

Les outils conventionnels viennent compléter les modes traditionnels d’intervention de la puissance publique en matière de protection de l’environnement. Ils reposent sur la volonté des parties et bénéficient d’une plus grande souplesse. Protéger la biodiversité répond aujourd’hui à une urgence écologique qui doit trouver dans les conventions une sécurité dans la durée des engagements. C’est pourquoi la loi n°2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a introduit les dispositions relatives à l’obligation réelle environnementale (ORE), engagement conventionnel au service de la protection de l’environnement.

 

L’ORE : définition

L’obligation réelle environnementale est un dispositif qui permet à tout propriétaire de mettre en place une protection environnementale attachée à son bien. Il s’agit de l’article 72 de la loi n°2016-1087 codifié à l’article 132-3 du code de l’environnement : « Les propriétaires de biens immobiliers peuvent conclure un contrat avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement en vue de faire naître à leur charge, ainsi qu’à la charge des propriétaires ultérieurs du bien, les obligations réelles que bon leur semble, dès lors que de telles obligations ont pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques (…) »

 

ORE : liberté et souplesse contractuelle

Le propriétaire du bien concerné peut mettre en place une obligation réelle environnementale avec 3 types d’acteurs :

– Une collectivité publique (commune, région, département) ;
– Un établissement public (EPCI, Office national des forêts, établissements publics fonciers, parcs nationaux, etc.) ;
– Une personne de droit privé agissant pour l’environnement (associations, groupements fonciers agricoles, forestiers et ruraux, etc.).

Il s’agit d’un contrat souple puisque l’article L.132-3 du code de l’environnement laisse une grande liberté dans l’élaboration des modalités de l’accord. Les parties doivent se mettre d’accord sur l’identification des enjeux environnementaux liés au bien concerné et les actions à mettre en place. Le contrat doit également définir la durée de l’accord et ses modalités de révision ou de résiliation.

 

Obligation réelle environnementale : les objectifs

Les obligations des contractants devront obligatoirement porter sur « le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques (…) »

  • Cela peut être entre autres :
    – La conservation des ripisylves ;
    – La plantation d’arbres ;
    – Le maintien de zones humides ;
    – La conservation et l’entretien d’arbres remarquables ;
    – Etc.
  • Un bien immobilier même d’apparence ordinaire peut contribuer à la protection de l’environnement car :
    – Il comprend des espèces végétales intéressantes ;
    – Il est un point de ressources pour certaines espèces animales ;
    – Ses arbres ont un intérêt écologique, paysager et culturel ;
    – Etc.

 

 

Exemples d’engagements réciproques :

  • Pour le propriétaire contractant :
    – Créer une mare ou un point d’eau ;
    – Remplacer une clôture existante par une clôture perméable qui laisse passer les espèces animales ;
    – Planter des haies ;
    – Reconstituer des sols plus favorables à la biodiversité ;
    – Ne pas artificialiser ni affouiller ;
    – Etc.

 

  • Pour le cocontractant non propriétaire :
    – Faire l’inventaire et le suivi des éléments de biodiversité ;
    – Faire connaître les enjeux environnementaux liés au bien ;
    – Conseiller le propriétaire sur les actions à réaliser les plus favorables à la conservation, au maintien et au développement de la biodiversité ;
    – Etc.

 

 

ORE : Quel contrat ? Quelle forme ? Quel acteur juridique ?

En application de l’article L.132-3 du Code de l’environnement, le contrat liant les cocontractants doit être fait sous la forme authentique.

• Pourquoi ?
– Pour renforcer la preuve de l’existence du contrat ;
– Pour renforcer la traçabilité du contrat dans le temps ;
– Pour sécuriser juridiquement les engagements environnementaux liés au contrat ;
– Sécuriser le contrat dans son ensemble grâce au conseil du notaire.

Exemple d’#ORE réussie avec le Château d’Espeyran, entre autre parc paysager inscrit et réserve archéologique, qui a souhaité grâce à l’obligation réelle environnementale signée avec les DRAC Occitanie, le Conservatoire des espaces naturels d’Occitanie et le syndicat mixte de la Camargue gardoise s’engager dans la transition écologique.

« Le principe de notre obligation, puisqu’il s’agit de cela dans une ORE, est de prendre en compte le vivant dans chacune de nos actions. Nos missions premières sont des missions de conservation patrimoniale concernant les bâtiments du domaine d’Espeyran, ses collections, son parc, sa réserve archéologique. Cette nouvelle obligation nous impose d’assurer ces missions sans entrer en contradiction avec la biosphère d’Espeyran. » Henri-Luc Camplo, responsable du Centre national du microfilm et de la numérisation (CNMN) et du château d’Espeyran.

Article complet : https://www.culture.gouv.fr/Actualites/Special-JEP-chateau-d-Espeyran-patrimoine-et-protection-de-la-biosphere

 

Et n’oubliez pas, si vous avez besoin d’un conseil, n’hésitez pas à prendre rendez-vous avec votre notaire !

😁🍀😊🌱🤓



Call Now Button